Antarctique

Le 16 janvier 1912, l'explorateur Robert Falcon Scott crut qu'il touchait enfin le rêve de toute son existence : au terme d'un voyage épuisant et d'une rivalité permanente avec le Norvégien Roald Amundsen, il était parvenu au Pôle Sud, dans une immense plaine dont il avait si souvent entendu parler ! Que de chemin parcouru depuis septembre 1909, date à laquelle le britannique, déjà honoré pour être revenu d'Antartique une première fois à bord du Discovery en 1904, avait lancé le départ de sa nouvelle mission. La préparation de l'expédition avait été hasardeuse : Scott, au tempérament chevaleresque et patriotique, mais qui manquait cruellement d'esprit d'entreprise et d'organisation, refusait de prendre des chiens pour tirer les traîneaux. "Rien ne vaut les hommes, et pour les suppléer les poneys", répétait il. Au contraire, son rival Amundsen, dont la méticulosité n'était plus à prouver, s'était montré plus moderne en les adoptant. Le 1er juin 1910, le télégramme de défi qui l'attendait à Melbourne où son navire, la Terra Nova, stationnait, l'avait marqué au coeur : "Nous permettons vous informer Fram va en Antartique. Amundsen." Son équipe partageait son sens aïgu de la propriété du pôle. Pour Scott, patriote acharné, l'Empire Britannique devait être le premier dans la course au pôle ! ¨Puis vint, en 1911, un hiver au Cap Evans, dans une cabane au style de vie édouardien et à la discipline navale. L'équipe britannique était imprégnée des idéaux romantiques victoriens prônant le courage et le sacrifice, et croyaient aveuglement en l'Angleterre. Il y eut aussi, le même hiver, la folle expédition de trois hommes parmi les plus courageux, qui se lancèrent dans une randonnée de 120 km vers le cap Crozier. Pendant 36 jours, ils endurèrent les pires conditions qu'un homme put connaître, mais ils survécurent. Mais qu'importe maintenant qu'ils touchent au but : le pôle ! Ils n'en sont plus qu'à 40 km.... 35 !  Et c'est alors que ce produisit le pire : une tâche noire qui flotte, un drapeau de signalisation attaché à un support de traîneau..... Les Norvégiens ont été les premiers ! Effectivement, l'équipe d'Amundsen est parvenue sur l'immense plaîne, surnommée par eux, plaine du Roi Haakon, 33 jours auparavant.
"Le pôle, mais dans des circonstances bien différentes de celles que nous attendions....Grand dieu ! C'est un endroit terrifiant et horrible pour nous qui nous sommes efforcés de l'atteindre, sans avoir la récompense de la priorité. Maintenant, c'est la course au retour et une bataille désespérée. Je me demande si nous pourrons le faire." écrit Scott dans son journal de bord.
Le méthodique Roald Amundsen s'était lancé pratiquement en même temps que Scott dans la course, mais il avait préparé son expédition d'une manière bien différente. Lui avait compris l'immense potentiel que possédaient les chiens pour tirer les traîneaux, lui n'avait rien laissé au hasard : instruire ses hommes des pratiques du ski, par exemple. Son voyage du retour fut rapide, comme il l'avait prévu. Celui de Scott s'apparenta à un cauchemar, et laissa dans l'histoire de la découverte du pôle une trace sanglante. Ce survivant d'un ancien temps n'avait pas assimilé les méthodes d'exploration modernes, et son inexpérience le perdit. Les provisions diminuent dangereusement, la dépression guette même les personnalités les plus fortes. Le premier meurt le 17 février, le deuxième, les pieds gangrenés, le 16 mars. Il fait - 42°C à présent, les rafales de vent ne cessent pas. La dernière phrase du journal de Scott, le 29 mars, est révélatrice de l'état général de l'équipe : "nous nous affaiblissons, la fin ne peut être loin. Que Dieu protège notre peuple."
Huit mois plus tard, une équipe de secours retrouve les corps gelés des trois derniers explorateurs, et la légende tragique de l'exploration antarctique pouvait commencer à prendre son envol.....