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Maelig
15 avril 2008

Roger Vailland

maggazinelitteraireAvant de lire Beau Masque, je n'avais qu'entendu parler de cet écrivain né au début du siècle, militant communiste, ayant participé au mouvement surréaliste et fumant régulièrement de l'opium, au point qu'il ait dû passer par des cures de désintoxication. Durant la Guerre, il s'engagea dans la Résistance. Il était diplômé de philosophie, journaliste, cultivé et aisé pour un sympathisant du parti communiste. Ces romans, écrits sur le tard, furent souvent sociaux, comme Drôle de Jeu, (1945) décrivant l'expérience d'un résistant. De même, 325 OOO F ou Beau Masque mettent en scène la société des années 1950. L'action de Beau Masque a lieu dans une usine. Pierrette Amable est une jeune et belle déléguée du personnel, acharnée à la lutte. Philippe Letourneau, le fils du grand patron, jeune homme désoeuvré, s'est entiché du communisme et de Pierrette. Mais la jeune femme préfère Beau Masque, un italien livreur de lait, et habile séducteur.
Tous les ingrédients d'un drame sociaux s'y trouvent : la lutte syndicale, les menaces de licenciement et les grèves parfois violentes, la déchéance des hautes classes, l'esprit tourné par l'alcool et les fêtes.... Le racisme ambiant à l'égard des travailleurs étrangers, Nord Africains ou bien Italiens. Je n'ai pas encore terminé de lire, mais quelques réflexions à propos du communisme m'ont intriguée. Je n'ai jamais très bien compris le communisme, pour moi, c'est un mouvement passé de mode, une communauté très fermée. Mon père, chef d'entreprise, disait avec raison que ce genre de corporation ne laisse pas de place à la liberté individuelle, à laquelle je suis attachée. Mais mon grand père, ouvrier dans les années 50, était sympathisant communiste.
Ce livre m'a ouvert des pistes de réflexion. Le communisme des années 50 était triomphant, organisé. C'était un instrument de promotion sociale pour les meilleurs militants, et le moyen de conserver sa dignité pour les autres. Lorsqu'on est faible, soumis à des conditions de vie relativement précaires, s'unir est le seul moyen d'exister. Puisque l'initiative individuelle n'a pas sa place, reste l'initiative collective, l'action de masse ! Créer un groupe qui apporte la fierté d'être pauvre, d'être ouvrier. Un peu à l'instar de ces religieux ayant fait voeu de pauvreté et qui s'en glorifiaient. L'héroïne, Pierrette, se souvient de l'humiliation de ses débuts, d'être surveillée à l'usine. Les ouvriers licenciés n'osent pas se défendre, ils se demandent pourquoi eux. Seuls les militants échappent à ces sentiments bas, et conservent leur dignité en toutes circonstances. Vu sous cet angle, je comprends mieux le communisme. Les ouvriers d'alors y entraient par pragmatisme, par absence de choix. Le principe était généreux, le mouvement bénéficiait de la gloire acquise dans la Résistance, et les souvenirs de la guerre étaient encore bien proches. Quant à ce qui se passait en URSS, ma foi, c'était bien loin ! On savait peu !
Mais ensuite (et l'auteur n'est pas dupe), la corporation devenait dure, fermée d'esprit, désirant avant tout s'opposer à tout le monde pour exister. Même une bonne idée est rejetée dès lors qu'elle provient de la direction. Les réunions du parti tournaient en rond. Mais le militant y était retenu par l'esprit de camaraderie, la conscience qu'il ne sortirait pas de sa condition d'ouvrier, et parce que le parti était un instrument de promotion sociale. Cette belle organisation était forcément destinée à s'autodétruire dès lors que l'économie s'est mise à mieux fonctionner et que la classe moyenne a émergé. Les enfants de cette classe n'étaient plus suffisamment malheureux pour s'inscrire au parti, et avaient des rêves personnels, et pouvaient recourir à l'initiative personnelle pour les réaliser. Car le parti empêchait l'initiative personnelle qu'il considérait comme une trahison, à l'instar de Pierrette peinée par son amie Marguerite qui a demandé sa mutation à un endroit où la paie est meilleure. Aujourd'hui, plus personne n'a envie de se voir appeler "Camarade" ou "Travailleur" par notre chère Arlette nationale, et le bel Olivier ne remplit les salles que parce qu'il est jeune et beau, au langage moderne et intelligent. Mais sur le fond, rien de neuf.... Seuls les très jeunes gens et les militants de l'ancienne garde peuvent encore se permettre l'extrême gauche.

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Commentaires
M
Je comprends ce que tu veux dire.... Effectivement, ce genre de métiers (serveur, hôte de caisse ou vendeur) ne doit pas être facile. Je ne me rends pas bien compte parce que je ne les ai jamais pratiqué, mais j'imagine. Avant de lire ce bouquin, je n'avais jamais vu ça comme ça.....
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A
Quand je travaillais à Dublin, mon patron me rendait furieuse parce qu'il semblait rouler sur l'or (ou tout du moins en Porsche). Il avait aussi une maison en Sardaigne. Par contre, ça ne lui venait pas à l'idée d'embaucher le nombre nécessaire de serveurs, il fallait en prendre le moins possible et les payer le smic... parce que son profit à lui venait avant tout, je suppose. Je devais même me planquer pour boire un café, parce que nous n'étions pas sensés en prendre.(Trop cher?)<br /> Du coup je me suis dit plusieurs fois que j'aurais dû fonder un syndicat de lutte contre l'exploitation des serveurs étrangers, notamment les polonais et les mauritiens qui n'osaient jamais protester. On se sent très rabaissés par les "deux poids deux mesures" entre celui qui a le pouvoir (le salaire) et le "pauvre petit serveur" qui essaye de finir son service à minuit et demi plutôt qu'à une heure.<br /> Ceci dit, aujourd'hui il y a le smic, le meilleur ami des gens non-qualifiés, et je ne crois pas aux vertus de la Révolution. :-)
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