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Maelig
15 juillet 2012

Charlotte Valandrey

Aujourd'hui, j'ai lu un livre de Charlotte Valandrey, comédienne et unique Française séropositive greffée du coeur. J'imagine qu'elle aurait aimé être unique pour d'autres raisons, mais elle paraît garder du courage et de l'énergie.

Je ne sais pas comment on peut continuer à vivre dans une situation pareille. Comment la vie doit être transformée par l'annonce de la maladie, comment on réalise la situation alors même qu'on ne ressent rien, qu'on ne souffre pas....

Et pourtant, elle a réussi. Jusqu'à dix ans après l'annonce de sa maladie, elle n'a ressenti aucun symptôme. Elle a fait de sa maladie un secret, que seuls connaissaient ses parents et sa soeur. Elle s'est fondue toute entière dans sa passion pour la comédie, dans les films qu'elle a tourné, dans les fêtes. Ses films avaient du succès, elle a obtenu un rôle récurrent dans la série "Les Cordier, Juge et Flic". Elle gagnait très confortablement sa vie.... Elle aimait les hommes, elle a connu des belles histoires. Quand elle a commencé à ressentir les premières manifestations du VIH, la trithérapie était arrivée. Et elle a été sauvée, du moins temporairement. 

En 2000, elle a même pu envisager de donner la vie, alors qu'auparavant, elle avait dû avorter deux fois car le bébé aurait eu une chance sur deux d'être séropositif. Sa vie est née, séronégative.

En 2003, elle a été victime de deux infarctus à l'issue desquels il a fallu envisager une greffe du coeur. Et là encore, chance infinie : un coeur a été disponible pour elle, alors même qu'il y en avait peu, que la sélection des malades était rude, pratiquement inhumaine. Et qu'elle était loin de compter parmi les personnes qui disposeraient des meilleures chances de survie. 

En 2005, elle a révélé sa séropositivité au grand public dans un livre, et a par la même occasion été exclue du milieu cruel du cinéma, alors qu'elle imaginait pouvoir justement tourner auprès de personnes qui auraient accepté sa séroposivité.

Est-ce que l'on peut continuer à parler de tout et de rien, à sourire, à rire.... Et pourtant, c'est possible. De toute façon, nous sommes dans l'impossibilité de nous figurer notre propre mort. Pour nous, il n'y aura pas d'après, alors nous pouvons aisément nous croire immortels : nous ne saurons jamais ce qu'il est advenu du monde après nous, nous sommes le monde. 

J'ai du mal à réaliser la mort, et pourtant, elle me fascine. Je sais que le cerveau peut refuser d'accepter l'annonce de la mort imminente d'une personne proche. On le regarde, on se regarde soi-même dans le miroir. Qu'est-ce qui a changé, entre avant et après la révélation ? Rien. Alors, on enfile sa  robe de soirée et on attend l'amie qui doit nous accompagner à la fête de la fac. 

Plus tard, on peut se convaincre que rien n'arriverait, puisqu'aucun signe tangible ne se profile à l'horizon. On vit normalement, mais parfois, l'inconscient nous rattrape, dans les rêves notamment. Et on peut être en proie à la culpabilité : pourquoi je continue à rire, à m'inquiéter pour mon travail, pour la fac ? Pourquoi je vois mes amies et pourquoi je cours toujours après ce garçon qui m'échappe? 

Le choc du deuil n'en est que plus douloureux.....

En première et en terminale, une des jeunes filles de ma classe souffrait d'une maladie des reins. Nous savions qu'elle se rendait fréquemment à l'hôpital, parfois en urgence, victime d'infections urinaires à répétition. Elle en parlait peu, mais elle avait accepté d'en parler en classe, une unique fois. Je savais qu'elle considérait sa maladie comme contrariante, handicapante. Qu'elle ne voulait pas d'enfant pour ne pas la transmettre. Mais j'étais loin d'imaginer que c'était un mal grave, dont elle pouvait mourir. 

Quelques années après le lycée, j'ai appris qu'elle avait subi une greffe d'un rein. Que depuis, tout allait mieux... Du moins pendant 7 ans. Elle était pleine de vie, elle avait un travail, un petit ami, elle avait acheté un appartement... Elle avait étudié l'anglais, elle aimait les voyages, avait passé un an à Manchester et un an en Nouvelle Zélande. Et elle est morte subitement d'un rejet de greffe, en mars dernier. 

Je ne la connaissais que peu, j'avais repris contact avec elle quelques années auparavant, grâce à Facebook. Depuis, je suivais sa vie de loin (elle s'extériorisait beaucoup sur ce réseau social). Mais l'annonce de son décès m'a glacée, perturbée. J'ai regardé les photos d'elle souriante qui s'étalaient sur son profil, et je l'imaginais telle qu'elle devait maintenant être, blanche, froide et immobile. 

Et pourtant, la vie continue. 

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