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Maelig
1 juillet 2018

Les Affamés

Je viens de voir le film de Léa Frédéval, avec Louane Emera en rôle principal. Un film sur la jeunesse diplômée qui ne trouve pas de travail à la hauteur de ses espoirs, et qui s'en sort péniblement en cumulant stages et petits boulots. Mais la jeune Zoé, incarnée par Louane, et qui se rebelle, va trop loin et se perd un peu... 

Un film qui fait réfléchir. Faisons nous vraiment partie de cette jeunesse-là ? Y-a-t-il un moyen d'échapper à la précarité ? Je n'ai pas eu le sentiment d'être trop mal lotie dans la mesure où j'ai toujours trouvé facilement du travail. Mais j'ai accepté de nombreuses concessions : horaires à rallonge, rémunération relativement faible.. et jamais de contrat de travail puisque j'ai exercé comme professionnelle libérale. 

Et en réfléchissant, je suis convaincue que non, il n'y a pas de recette toute faite, de baguette magique qui permettrait d'échapper à l'effrayant fantôme de la précarité dont on nous rebat les oreilles. On peut s'en sortir aujourd'hui, pas demain. Alors personne n'est à même de donner des leçons. 

Ce dont je suis convaincue, c'est de l'importance des études. Peu importe lesquelles. Qu'elles soient très concrètes (hôtellerie, coiffure, esthétique, menuiserie...) ou très abstraites (littérature, philosophie, langues vivantes...) en passant par celles qu'on dit "utiles" (droit, médecine, commerce ou écoles d'ingénieurs). On acquiert des savoirs-faire, des savoirs-être, de la structure d'esprit. En d'autres termes, on devient employable et pas uniquement dans son domaine. Ainsi, celui qui a étudié le droit pourra toujours se réorienter vers un poste à dominante administrative, ou vers l'enseignement, par exemple.

Avec les études concrètes, on minimise les risques de galère car on est très vite employable au vu des compétences précises qu'on a acquises durant notre formation. Avec les études abstraites, on est cultivé et on a acquis une structure d'esprit qui nous permettra d'être à l'aise sur bon nombre de postes, mais il faut bien avouer qu'il nous faudra un peu d'imagination et d'ingéniosité avant de trouver le métier de nos rêves. Et avec les études utiles, tout semble parfait puisqu'on peut espérer de "bons métiers" avec responsabilités et salaires valorisants à la clé. Le risque, c'est de trop espérer justement : un diplômé de droit, s'il devient avocat par exemple, devra consentir beaucoup de sacrifices sans pouvoir prétendre à grand-chose en termes de rétrocession, il faut le savoir. Sans compter les trop nombreux burn out à trente ans....

Pour trouver sa voie, le tout c'est de partir de soi et pas des attentes de la société. Se demander ce qu'on aime faire, et ce à quoi on est bon (à l'adolescence, ce peut être une matière scolaire, un sport, un art...) puis lister nos qualités et nos défauts ("je noue facilement le contact avec les autres", "je suis ordonné" / "je ne suis pas très attaché aux détails"). 

Normalement, des exemples de métiers devraient se détacher. Et ensuite seulement, on peut les confronter au marché du travail et accepter des concessions qui nous rendent plus employables, comme ajouter une année de marketing à des études de lettres ou encore partir à l'étranger pour maîtriser une langue vivante.

L'objectif, c'est de trouver la voie qui nous sera la plus naturelle, celle où on va pouvoir évoluer au fur et à mesure de notre pratique sans trop avoir à souffrir. C'est ce qu'on appelle le potentiel. En misant sur nos points forts naturels, on créé un cercle vertueux : parce qu'on va maîtriser ce qu'on fait, on finira par aimer notre travail. Et tout est réuni pour convaincre un potentiel employeur ou bien de futurs clients.... 

Notre génération a intégré, je pense, l'idée qu'elle exercera plusieurs métiers dans sa vie. C'est pourquoi trouver notre voie, ce n'est pas forcément un "métier", ce peut être aussi un "verbe" qui peut correspondre à plusieurs métiers. Avec "transmettre", par exemple, on peut être journaliste, enseignant. Avec "convaincre", commercial ou avocat. 

Ce n'est pas évident de déterminer ce qu'on veut faire de sa vie à 17 ou 18 ans. On ne sait pas qui on est, ce dont on est capable aujourd'hui et ce dont on sera capable demain. Et les parents ne nous aident pas en nous renvoyant des images fantasmées du monde du travail, et nous encourageant bien trop souvent à emprunter des voies trop conventionnelles qui ne nous correspondent pas toujours (et cela sans que nous nous en rendions compte).

Alors, pourquoi ne pas prendre un an après le bac, ou après la licence, pour partir à l'étranger, faire un stage, des petits boulots ? Plus on multiplie les expériences, plus on apprend à se connaître. Et ne pas hésiter, durant ses études, à faire régulièrement le point. 

Après, pas de recette miracle. Pour dénicher un job, il faut accepter de jouer le jeu des CV, des lettres de motivation et des entretiens. Avec le risque, effectivement, de se heurter à un mur et à une certaine forme d'injustice sociale. Zoé-Louane a raison d'être en colère et de choisir la voie du collectif (l'engagement politique) pour s'en sortir. 

On peut aussi miser sur l'individuel ; et contourner les obstacles quand on ne peut pas les surmonter. Créer sa boîte, même jeune. Se réorienter vers un secteur qu'on jugera plus porteur. Et accepter les concessions. 

Je ne suis pas en train de dire qu'il faut tout accepter, attention. Dans ce domaine, les extrêmes sont dangereux. Si un jeune qui débarque de la fac croit que le monde va l'attendre parce qu'il a un bac +5, il va s'en mordre les doigts. On peut gagner beaucoup par quelques concessions. Le tout est de les choisir. 

Je conseillerais malgré tout de viser la Lune, autrement dit le job le plus formateur possible. Car c'est dans les premières années de vie professionnelle qu'on va apprendre le plus et accepter le plus de faire des efforts. Ensuite, on sera blasés, très fatigués. Et on aura envie d'entrer dans une routine rassurante qui va nous permettre de nous marier, d'acheter un appartement ou de faire un enfant. Plus de se défoncer pour acquérir les connaissances qu'on n'aura pas acquises auparavant faute du job adapté. 

Si on a été sous-employé pendant 4, 5 ans, on va vraisemblablement devoir accepter de ne jamais atteindre le niveau optimal que nos études nous ont promises. Tout dépend ensuite de l'attachement qu'on éprouvait pour son domaine professionnel. 

Ensuite, s'écouter, suivre ses envies tout en restant réaliste. Si on doit accepter un job alimentaire, on accepte parce qu'on en tirera toujours un enseignement (l'expérience de la relation client, par exemple) et qu'au moins, on peut payer son loyer. Mais pas plus de six mois pour éviter de s'enliser. Si on sent qu'on est épuisé et qu'on doit absolument s'arrêter de travailler pour réfléchir, il faut le faire.

Et gérer ses dépenses pour s'en tirer en attendant...

Surtout, continuer de croire en sa bonne étoile. On peut piocher la bonne carte et s'épanouir. Et surtout, ce qu'on fait de notre vie professionnelle ne conditionne pas notre valeur humaine. On est tout aussi important et précieux qu'on soit DRH ou femme de ménage, qu'on soit en activité ou en recherche d'emploi... Il faut arrêter avec cette pression sociale qui nous impose d'avoir un CDI pour commencer à vivre, ou ces vieilles croyances qui nous laissent entendre que le travail est l'unique raison de vivre. C'est faux !

Je suis persuadée qu'il faut avoir le goût de l'effort et faire ce qu'il faut pour trouver un emploi et le garder, mais qu'il ne faut pas fantasmer le travail. On n'a pas à y être malheureux, on peut changer ce qui doit être changé dans une certaine mesure. Il ne faut pas avoir peur de se planter parce qu'on rebondira toujours, et qu'on apprendra. 

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