Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Maelig
16 février 2014

Bilan professionnel : je ne sais plus où j'en suis

Je ne sais plus du tout où j'en suis....

Depuis que je suis arrivée dans mon travail, il y a un peu plus de deux ans, j'ai compté les mois avant de m'estimer suffisamment expérimentée pour en partir. Oh, non pas que j'y étais si mal, mais les inconvénients étaient trop nombreux :

- rythme effréné qui ne permettait pas une vie privée très harmonieuse,

- intérêt limité du travail : la difficulté réside davantage dans la gestion du volume que dans l'intérêt juridique et il y a un certain manque de diversité. Cela reste une expérience intéressante mais pour autant, elle n'est pas juridiquement à la hauteur des études que j'ai pu faire auparavant.

- gestion de personnalités un brin difficiles : un collègue psycho rigide qui, à mon arrivée, me parlait mal, une patronne lunatique, gentille par moments et ayant la faculté d'être brusque, désinvolte et égoïste, et en tout cas qui se moque de la charge de travail que nous pouvons avoir à supporter et de l'impact que cela peut avoir sur le cabinet, la gestion des dossiers et nos vies (alors qu'elle a entre ses mains des clés : l'investissement dans un logiciel de gestion, la possibilité de faire des recrutements judicieux), une autre collègue mal dans sa peau et sujette à des crises de stress et de larmes, et une nouvelle collègue mal à l'aise dans cet environnement et avec qui le contact passe sans passer, si vous voyez ce que je veux dire.

Néanmoins, le temps est passé.

J'ai beaucoup évolué, j'ai appris à gérer cette charge de travail, ce stress, à m'imposer aussi. Je sais que j'ai beaucoup mûri, dans différents domaines : 

- juridiquement, car mon cabinet d'avocats étant spécialisé dans le recouvrement de créances pour une clientèle institutionnelle, j'ai découvert le droit de la consommation, des procédures collectives et le droit commercial, également beaucoup de procédure civile et un brin de procédures d'exécution, le tout adapté aux besoins des grands créanciers. Je rédige beaucoup, et je suis même chargée des répliques aux conclusions adverses, ce qui me permet d'approfondir les thèmes juridiques davantage que les autres. J'ai assuré des audiences devant les tribunaux de commerce et d'instance, à Versailles et à Paris, j'ai découvert le fonctionnement particulier du tribunal de commerce de Paris.

- humainement, pour différentes raisons :

*je réponds au téléphone et, l'air de rien, cela m'a permis d'acquérir davantage d'aisance relationnelle avec les clients, les débiteurs, les confrères, et également d'apprendre parfois à moins me laisser faire.

*j'ai appris à m'imposer face aux plus expérimentés. Ma patronne, malgré sa versatilité, m'apprécie et me fait confiance. Je sais que, tant que je le souhaiterai, j'aurai un emploi stable. Mon collègue mal aimable se montre beaucoup plus respectueux à mon égard. Les autres me respectent (à peu près).

*j'ai aussi compris que je devais laisser mes problèmes professionnels à la porte du cabinet, et je profite pleinement de mes soirées et de mes week-ends, l'esprit libre.

*en observant ma patronne, mes collègues, les clients, les autres confrères, j'ai aussi appris sur la manière dont chacun gérait ses dossiers. Je sais que pour certains de nos clients, l'important est de nous répondre même s'ils nous répondent n'importe quoi ou n'ont pas de solution à proposer. Que d'autres ne savent pas que nous répondre et ne doivent pas oser questionner leur hiérarchie, alors ils nous renvoient la balle en nous posant dix mille questions. Qu'ils sont prêts à tout pour se décharger de leur responsabilité sur les épaules de leur avocat, au moindre problème, et profitent parfois de mon inexpérience et de ma naïveté. J'ai aussi compris qu'au sein de mon environnement professionnel, l'attaque était parfois la meilleure défense, et qu'il était possible, dans une certaine mesure, de faire retomber ses propres erreurs sur le dos des autres ou, dans le cas d'erreurs partagées, de ne pas analyser clairement la situation mais de tout faire retomber sur le partenaire. Je ne dirais pas que c'est bien, loin de là, et je ne pense pas avoir jamais pratiqué cette technique pour le moment, mais dans un environnement plus hostile que le mien, je le retiens comme une possible manoeuvre pour garder la tête hors de l'eau.

- au niveau de l'organisation, car j'ai suivi des procédures et géré l'agenda du cabinet ainsi que les relations avec ses correspondants dans la France entière. J'ai appris à m'organiser pour avoir en tête les dates d'audience de mes dossiers, pour essayer de faire en sorte d'avoir un bon rythme de travail. 

Naturellement, rien n'est parfait. J'ai commis beaucoup d'erreurs durant ces deux années et j'en commets encore. La majeure partie de ces erreurs ont été rattrapées et n'ont occasionné qu'une perte de temps, mais quelques unes ont été plus graves. J'ai appris à les assumer, les unes comme les autres, à supporter de me faire disputer et remettre à ma place lorsque je l'ai mérité, même si ce n'est pas très agréable. J'aurais préféré ne pas avoir commis certaines, mais pour autant, elles font aussi partie de mon expérience et le fait que j'aie été loyale envers ma hiérarchie a aussi joué dans le fait que ces erreurs sont restés pour moi de simples incidents de parcours et ne sont pas devenus des freins à mon évolution.

Humainement, je n'arrive pas encore à avoir suffisamment de confiance en moi pour m'imposer réellement. Pour faire en sorte d'acquérir davantage de liberté et de faire respecter mes droits (avoir le temps de cultiver une clientèle personnelle, par exemple). Pour me faire moins dévorer. J'y parviens parfois, pas toujours, et toujours en louvoyant, jamais de face. Je ne risque pas le conflit, je ne prends jamais le risque d'une vraie rébellion et d'un affrontement direct. Je passe par les portes qu'on me laisse ouvertes. Je suis encore trop naïve et trop loyale. Je me perds parfois.

Je me suis tellement habituée à mon travail que finalement, j'en suis venue à moins regretter l'absence de diversité. J'ai eu le sentiment, en deux ans, de me créer une "pratique", qui est davantage qu'une simple "expérience" dans le domaine. Je me considère davantage, finalement, comme une juriste de bon niveau que comme une réelle avocate. Le fait de relativement peu plaider ne me dérange plus : je sais avoir de l'aisance orale mais je manque de capacité à rebondir et pour dire vrai, de connaissance de mes dossiers (que je reçois tardivement, où il manque les pièces, que nous ne conservons pas après envoi au juge pour des raisons d'économie, et que je n'ai le temps de consulter que dans le train). Plaider provoque en moi un peu de stress, moins qu'au début, mais je peux aisément m'en passer.

Pour autant, je vis mon âge d'or. Deux ans, c'est la bonne époque. On peut encore se réciter la liste de tout ce que l'on a appris et se convaincre qu'on a une pratique du métier afin de gagner davantage de confiance en soi. Mais d'ici encore deux ans, je n'aurai pas appris grand chose de plus et j'aurai de plus en plus conscience de mes limites (ou bien je n'en aurai plus conscience de tout, ce qui est presque plus grave). Je ne suis pas une grande adepte des défis, je pourrais m'y faire si j'avais un certain confort (un statut de salarié, un bon salaire, la sécurité de l'emploi, des horaires convenables et éventuellement des perspectives d'évolution professionnelle). Ce n'est pas le cas. Je crois que toutes les promotions que je pouvais avoir, je les aies eues, puisque je suis passée par pratiquement tous les postes. Et une "promotion" au cabinet, c'est implicite et ne s'accompagne d'aucun avantage financier. Pour mon bien être, il faut mieux que je parte maintenant.

 Mais partir, ce n'est pas si évident : il faut avoir trouver un autre travail auparavant (et oui, j'ai un loyer à payer dorénavant, ainsi que des charges - vive les professions libérales), et : 

- je manque de temps pour chercher. Je travaille dur toute la semaine, le samedi est consacré aux tâches ménagères et le dimanche, parfois, je renonce.

- j'ai longtemps été handicapée par mon absence de permis de conduire. Maintenant, c'est une difficulté résolue, mais en revanche, je demeure handicapée par mon manque d'aisance au volant et par le fait que je n'ai pas de voiture (et pas beaucoup d'argent pour en acheter et pour l'entretenir)

- je demeure loin de la région parisienne où je vais travailler quotidiennement, et cet éloignement, qui est cause de mes retours tardifs à mon domicile, m'empêche parfois de décrocher ou d'accepter certains postes.

- et puis, soyons francs, il y a des raisons psychologiques.

*On s'habitue à un endroit, à une routine, on sait ce qu'on perd, mais on ne sait pas ce qu'on va retrouver (et si mon nouvel emploi ne se passait pas bien ? et si je me retrouvais au chômage ensuite ?). Quand on débute, on a l'habitude d'être le nouveau. En 2011, j'ai entamé trois nouveaux travails et stages dans l'année. On ne sait pas grand chose, mais on est frais et adaptable. Après quelques années dans le même emploi, on a gagné en confiance, en expérience, mais on a aussi pris des habitudes, parfois des tics, et on a oublié cette fraîcheur. Parfois, c'est un peu difficile de repartir de zéro.

*Sans compter qu'avec le temps, on se retrouve lié presque "affectivement" à son employeur, surtout dans une petite structure comme la mienne. Ma patronne le sent et m'enserre un peu en m'entraînant au quotidien dans sa frénésie de travail, en me parlant parfois de ses projets d'avenir, en alternant le chaud et le froid avec moi (compliments et réprimandes). Si bien que finalement, je la ménage, et je ne me vois pas lui dire que je m'apprête à démissionner.... Comme je le disais, j'ai commis des erreurs, qu'elle m'a fait vertement remarquer tout en finalement me "pardonnant", si bien que parfois, je me demande si je serais acceptée dans un autre cabinet ou une entreprise aux modes de travail différents, à la plus grande rigueur.....

J'évolue et je songe finalement à abandonner la profession d'avocat pour un poste de juriste d'entreprise. J'ai le sentiment que ce métier me conviendrait mieux pour les  bonnes raisons que :

- finalement, ce que je pratique au quotidien ressemble plus à un emploi de juriste que d'avocat. Il y aurait ainsi une certaine continuité, je pourrai vraisemblablement rester généraliste en droit des affaires, et continuer à pratiquer les mêmes domaines du droit.

- en outre, j'aurai un plus grand confort de vie, je sortirai du travail plus tôt et je pourrai ainsi me permettre des trajets domicile - travail, et je gagnerai vraisemblablement mieux ma vie.

- j'apprends à me connaître, et je sais que je suis plus civiliste que pénaliste, que je préfère rester dans un bureau et réfléchir, élaborer des stratégies et rédiger plutôt que de me lancer dans un environnement hostile et que je ne me sens pas à l'aise avec les trop "gros" dossiers (à la fois au niveau du volume et au niveau des enjeux)

Quant aux autres expériences que je pourrais vivre dans la profession d'avocat, je pense pas qu'elles me correspondraient vraiment. Avoir des clients personnels me fait un peu peur, car j'ai du mal à supporter de prendre pleinement et à moi seule la responsabilité de mes actes et à prendre des décisions. Et j'ai du mal à gérer plusieurs activités à la fois.
Pour autant, en attendant de tourner la page, j'ai découvert de nouvelles expériences :

- j'ai un dossier personnel. Oui, au bout de deux ans, ce n'est pas grand chose, mais c'est déjà cela. J'ai déjà appris beaucoup depuis deux mois que j'y travaille, j'ai encore beaucoup de difficultés à résoudre et je ne sais si je parviendrai à une solution satisfaisante, mais pour autant, cela m'aura apporté. Et je pense que, même dans un autre cabinet, je n'aurai pas été prête avant à assumer cette responsabilité.

- je me suis inscrite aux activités que les avocats effectuent volontairement pour l'Ordre : consultations juridiques en mairie et permanences pénales. Je commence en avril les consultations juridiques et pour les permanences pénales, je n'ai pas encore le mode d'emploi.

Comme de toute façon, je ne vais pas partir du jour au lendemain, je me dis que ce sera toujours cela de pris. En attendant d'aller en entreprise....

Mais un poste de juriste d'entreprise ne se trouve pas sous les sabots d'un cheval, c'est même plus compliqué à trouver qu'une collaboration dans un cabinet d'avocat. Il faut plusieurs entretiens, téléphoniques et directs, et une certaine disponibilité, que je n'ai pas. Alors, pour le moment, depuis que j'ai pris ma décision, je stagne....

Si je ne prends aucune décision, je vais rester au point mort encore environ deux ans, puis je désirerai un enfant. Après mon congé maternité, je serai contrainte de solliciter un temps partiel car il est inenvisageable que je continue un tel rythme de travail avec un enfant. J'aurai ainsi davantage de temps pour chercher un poste de juriste mais ma quête risque d'être plus délicate avec un enfant, et mes besoins financiers seront plus importants... Je serai moins en position de force que maintenant, où je suis en poste, où je n'y suis pas si mal, et où je peux vivre finalement avec peu.

Alors, que faire ?

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Derniers commentaires
Publicité