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Maelig
18 juillet 2016

Au nom de tous les miens

Je viens de relire en une journée l'ouvrage autobiographique de Martin Gray que je n'avais pas lu depuis mon année de troisième.

Et le moins qu'on puisse dire, c'est que ça fait réfléchir sur le sens qu'on veut donner à sa propre vie.

Cet homme intelligent et malin a survécu à tout. Il avait compris dès le début qu'il n'avait rien à attendre des Allemands, aucune pitié, aucune possibilité d'établir un partenariat, même mal agencé, et de vivre en paix. Parce qu'il a su imaginer le pire, il a pu l'anticiper. Bien d'autres n'ont pas voulu, pas pu, et qui pourrait leur reprocher ? C'était peut-être propre à sa jeunesse ; ce sont les jeunes qui finalement avaient le plus de chances de survie dans ces périodes hyper troublées. Ceux qui pouvaient apprendre, lutter et se remettre en question. Peut-être aussi doit-il en quelque sorte sa survie à son père, qui lui avait compris.
Il avait un état d'esprit qui doit au quotidien plus qu'épuisant à conserver : toujours lutter, toujours rester sur ses gardes et saisir la première occasion pour s'enfuir. Il s'est évadé un nombre incalculable de fois, de la plateforme du ghetto qui menait aux camps de concentration, des camps de Treblinka et de Zobram. Il était  différent de ceux qui se battaient pour des motifs patriotiques et bien souvent, ont choisi de sacrifier leur vie. Lui, il voulait vivre et pour cela rien ne lui semblait impossible. Ni sortir du ghetto de Varsovie, ni s'évader de Treblinka.  La question politique n'est d'ailleurs que très peu évoquée dans son ouvrage, à une époque pourtant plus que politisée. En revanche, Martin Gray, avec une vraie modernité, parle d'humanité. Des enfants orphelins qu'ils tentent d'aider, dans le ghetto, de sa vengeance au sein de l'Armée Rouge à laquelle il est parfois tenté de se laisser trop aller, de la question d'être un bourreau ou une victime. Et surtout des siens. 

La politique, c'était peut-être plus pour les résistants qui auraient pu se contenter de ne rien faire et qui s'engageaient volontairement dans l'action. Martin Gray, lui, était juif, polonais, il appartenait à ce pays qui a été littéraleemnt ravagé par la guerre, plus que les pays occidentaux encore. Peut-être qu'en Pologne on voulait seulement survivre.

A l'issue de la guerre, il était devenu un homme pressé, en quête de construction économique et personnelle, angoissé et protecteur, mais qui craignait de s'attacher s'il n'était pas en mesure de "construire une forteresse" pour les siens. Aux USA, il a tout bâti, il n'a pas hésité à se dresser en dehors des lois parfois. Il ne risquait plus sa vie mais il continuait d'avoir peur.

Non, il ne devait pas être facile à vivre, ça c'est sûr. Le livre ne dit pas forcément tout et à sa sortie, il a été controversé. Ce qu'il a pu faire pour survivre au sein du ghetto, les dénonciations ou les meurtres qu'il a pu commettre... (une amie, russe, prétend que dans les années 90 à St Pétersbourg, on n'aimait pas les personnes âgées, parce que si elles avaient survécu à la guerre, c'est qu'elles ne devaient pas être nettes), les circonstances de sa vengeance  au sein de l'Armée Rouge, les affaires peut-être douteuses qu'il a pu monter aux Etats-Unis dans les années 50.... Son ami, Tolek, au parcours sensiblement similaire au sien, se rebelle contre lui, preuve qu'il ne devait pas être alors le partenaire idéal.

Mais ce qui frappe, c'est qu'il ne semble pas avoir perdu son humanité ni sa capacité d'aimer. Il apprend à aimer Dina, puis leurs enfants. Il ne se montre pas brutal mais il conserve la capacité d'être heureux, ce que d'autres jeunes blessés par la vie et en quête farouche de construction personnelle également n'ont parfois pas su faire.

Je pense, vous savez, à ce style de personnalité qu'avait un Claude François par exemple, du moins dans le film qui a été réalisé sur sa vie en 2012. Lui aussi avait souffert, perdu sa vie dans le tourbillon politique en Egypte et tout reconstruit en France en quelques années. Il était exigeant, obsessionnel et caractériel certes, mais surtout, il n'a pas su éviter de faire souffrir son entourage, de France Gall qu'il a laissé pleurer sur son paillasson après sa victoire à l'Eurovision à son épouse Isabelle ou encore à son second fils Marc qu'il cachait. Et qui ensuite, quand on le quittait, ou qu'on se rebellait, retrouvait son humanité, dévoilant les failles de sa vie, et se lamentant avec un talent poétique qui donnait envie de le croire sans restriction.

 

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