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Maelig
26 novembre 2009

Une dernière réflexion sur le reportage de mardi

Une dernière réflexion sur le reportage de mardi soir..... La réaction des psychologues face au témoignage d'une jeune fille de 13 ans ayant entretenu une relation avec son professeur trentenaire m'a abasourdie.

A l'époque, elle se pensait amoureuse de ce jeune homme charismatique et séduisant. Elle s'était soumise à des relations sexuelles (non protégées) avec lui. Pour autant, lui était marié et riait de la voir se consumer de jalousie. Elle n'avait que 13 ans mais il disait rêver d'un enfant avec elle....
Aujourd'hui âgée de 20 ans, la jeune femme disait comprendre ce qu'une pareille idylle pouvait avoir de malsain et remercier ses parents d'y avoir mis fin en portant plainte contre le professeur. Avoir été reconnue comme victime lui avait fait du bien, mais elle se jugeait encore "brisée".

La réaction des psychologues portait sur "le processus de victimisation". Cette jeune fille ne s'était reconnue victime que parce que la société lui avait renvoyé cette image d'elle-même. D'ailleurs, son discours était clair : sa seule souffrance avait été d'être amoureuse, de se sentir  trahie. Et le professeur avait été condamné. "Mais si elle était sortie avec un mineur de 17 ans et demi", alors la loi n'y aurait rien eu à dire, soutenaient les spécialistes, "même si ce mineur s'était montré brutal ?"

J'en ai été passablement indignée.

Quelqu'un à qui on fait du mal n'a sur le moment que peu de recul sur sa situation. C'est d'ailleurs la raison de son mal être. On commence à guérir à partir du moment où l'on prend conscience du mal qui nous a été fait. A 13 ans, il est normal que la jeune fille n'ait pas saisi que consentir à des relations sexuelles avec son professeur trentenaire pouvait la blesser. A cet âge, rien d'étonnant non plus à ce que l'on soit fragile, en proie à la jalousie. Ne pas prendre soin d'une si jeune partenaire, c'est cela lui faire du mal. Sa situation ne peut être assimilée à une amoureuse classique.....  Cette jeune fille était bien victime, et que ce statut lui ait été reconnu est certainement un premier pas vers sa guérison.

Le même processus de cicatrisation s'applique à toutes les douleurs, même si personne n'en est l'auteur. Il est traumatisant de dire à quelqu'un venant de subir un deuil, par exemple, d'aller de l'avant une semaine après la mort de l'être aimé. Au contraire, il convient de lui faire prendre conscience du choc qu'il a dû affronter et de le laisser s'en remettre à son rythme. La même solution s'applique à celui qui vient de perdre son emploi, ses amis, qui a été humilié. Sur le moment, le choc est tel que l'on ne saisit pas la gravité de la situation. On ne souffre pas, on est juste glacé. 

C'est encore plus flagrant dans les cas où quelqu'un est l'auteur de la blessure. Une victime de viol peut ne pas se rendre compte de la violence qui lui a été faite. Elle peut avoir accepté une invitation à dîner de son futur violeur, elle peut avoir accepté que l'autre la raccompagne, et culpabiliser d'avoir donné de pareils gages à son futur agresseur. Elle peut avoir vaguement ressenti du plaisir au moment de l'acte. Si elle ne réalise pas qu'elle n'a pas à se sentir coupable, alors les dommages psychologiques peuvent être graves.

Idem pour une victime de harcèlement sexuel ou moral au sein de l'entreprise, par exemple, ou pour un enfant souffrant d'avoir été délaissé par ses parents. Dans toutes ces situations, on n'est pas certain que l'autre soit réellement responsable. L'employé peut penser avoir commis une faute ayant justifié le harcèlement, l'enfant se dire que ses parents ont le droit de partir des années à l'étranger sans lui ou même avoir dans l'idée qu'il ne mérite pas l'intérêt des auteurs de ses jours.

Prendre conscience alors de sa situation de personne en souffrance ainsi que de l'éventuelle responsabilité de l'autre permet d'explorer sa douleur, sans honte de l'exposition. C'est tout l'intérêt de la psychanalyse, justement, et c'est le premier pas vers la guérison. Ensuite, bien entendu, il ne s'agit pas de s'attarder dans cette position de souffrance. Le but demeure de la dépasser.

Mais le déni, ou bien la remise en question par d'autres de la réalité de la souffrance, peut être grave. Cette jeune fille n'a peut être pas apprécié le commentaire des psychologues. Dénier avoir souffert peut conduire à des comportements auto destructeurs chez les plus fragiles qui vont rester plongés dans leur mal être, sans en identifier les causes. Au contraire, chez les plus forts, ce déni peut entraîner une position de fermeture aux autres, de sévérité à l'égard de toutes les autres faiblesses. Une personne ayant cet état d'esprit risque de rechercher toute sa vie l'attention dont elle a été privée. Son entourage qui ne pourra satisfaire à une telle demande d'absolu peut en pâtir.

Alors oui, cette jeune fille est victime, et elle l'aurait été même si son compagnon avait été lui aussi mineur. Mais un homme mûr avait pleinement conscience de la portée de ses actes, au contraire d'un adolescent. De plus, quelqu'un de 17 ans n'aurait pas eu le même pouvoir de nuisance dans l 'esprit d'une fillette.

La place de la victime dans le procès pénal, que voulaient certainement évoquer les psychologues, est une autre question. Qu'on soit ou non dans le cadre judiciaire, je pense qu'il n'est jamais bon de dénier à quelqu'un sa position de personne en souffrance et à mon avis, ces hommes auraient pu s'en dispenser.


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Commentaires
A
Encore une fois j'ai retrouvé sur ton blog ce que je ressens moi-même... Bravo pour l'exprimer aussi clairement... :)
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