Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Maelig
28 octobre 2012

Maison close

La semaine dernière, j'ai vu l'Apollonide, Souvenirs de la Maison Close. Un film angoissant sur un univers déjà condamné à l'éclosion du XX ème siècle : celui des maisons closes. 

Marie France dirige l'Apollonide, une maison de luxe, où se pressent les hommes riches pour des soirées élégantes et décadentes. L'on y boit du champagne dans des pots de chambre et on y fume de l'opium. Les filles y sont fragiles et arrogantes, toujours mystérieuses. Leur comportement n'est pas justifié, et c'est peut être ce qui fait leur charme. 

Pauline a 15 ans, c’est une  jolie jeune fille qui demande à entrer dans une maison close. Pourquoi ? Elle est éduquée, elle sait lire et écrire, elle sait se tenir convenablement, sans être vulgaire. Avant de venir à Paris, elle vivait avec ses parents et était couturière. Qu’est ce qui peut attirer une gamine dans la prostitution ?

« Le métier s’apprend sur le tas. Il est difficile » la prévient Marie France, la mère maquerelle.  Pourtant, Pauline se montre d’une aisance peu commune chez une fille de son âge. Elle se déshabille complètement devant Marie France dans ce qu’il faut appeler un entretien d’embauche en bonne et due forme.  Elle avoue ne pas être vierge. Elle couche sans le moindre état d’âme avec un client dans un bain de champagne, elle se déguise en japonaise pour un autre, à qui elle invente un langage érotique.  Elle passe la visite médicale. Elle se lie avec les autres filles tout en gardant sa réserve. Même son départ brusque demeure inexpliqué.

A Marie France qui lui demandant pour quoi elle était là, elle répondait « pour être libre. Pour gagner mon propre argent. » Devant un client, elle fait la fière : « je ne suis pas si jeune que ça. (…) Peu de filles de mon âge se sont fait baiser dans du champagne. »

On imagine la naïve ambition professionnelle d’une adolescente de province qui voudrait monter à Paris, qui rêve de beaux costumes, d’hommes à ses pieds, d’être nourrie et logée et d’un travail qu’elle imagine moins fatigant que celui qu’elle voit exercer par ses parents, son entourage, qu’elle exerce elle-même. D’une fille qui voudrait effectivement être libre, qui n’a pas froid aux yeux, qui se pourlèche de sa jeunesse, de sa beauté. Elle traverse les obstacles avec panache, mais le décor qui l’attirait se fissure : elle entrevoit le désespoir de Clotilde,  28 ans, prostituée depuis 12 ans, elle entre de plein fouet, comme les autres, dans les drames de Madeleine « la Juive » défigurée par un client, et dans celui de Julie, atteinte de syphillis et qui meurt quelques mois plus tard. Elle apprend par hasard que la maison close va bientôt fermer. Alors, elle part. On ignore s’il s’agit d’une fugue ou d’un départ négocié : elle n’a pas encore de dettes.

Quel sera son avenir ? Le film ne le dit pas.

Clotilde a 28 ans, elle se prostitue depuis ses 16 ans à l’Apollonide. Elle a perdu toute illusion sur les charmes de son milieu, sur l’espoir de voir un client racheter ses dettes et la faire quitter la maison. Elle sait qu’elle n’a plus la prime fraîcheur de la jeunesse, que ses premières rides arrivent et que bientôt peut être elle ne sera plus rentable, qu’elle sera vendue à un bordel d’abattage à Marseille.  Elle a ses clients réguliers, dont un peintre désabusé qui dit aimer les prostituées et qui leur demande régulièrement d’ouvrir leurs jambes pour contempler l’intérieur de leur sexe. Sans en être amoureuse, elle sait que ce client est peut être sa dernière chance de quitter ce milieu. Alors, quand il se rapproche de Pauline, quand elle cesse d’être sa favorite, elle se noie un peu plus dans le désespoir.   Elle fume de l’opium, beaucoup trop. Son visage est marqué. Dès le début du film, elle avoue à Madeleine, qu’elle croise dans le couloir « je suis fatiguée, je pourrai dormir 1 000 ans ». A Pauline qui lui confie qu’elle ne restera pas longtemps ici, elle répond « moi non plus, au début ».  C’est l’exemple même de la prostituée désespérée, qui sait qu’elle le restera. Pour illustrer cette intemporalité, c’est elle que le film montre, en son épilogue, au 21ème siècle à Paris, sortir en tenue légère de la voiture d’un client, toujours aussi désespérée. 

Il y a aussi Léa l'arrogante, l'indépendante. Samira, la fille gentille et naturelle, Madeleine "la Juive", défigurée par un client. 

Et cet univers angoissant, les soirées privées décadentes, peuplées de femmes nues, de nains, d'hommes défigurés. La panthère noire amenée par un client et qui trône sur le canapé, qui venge Madeleine à la fin du film en se jetant sur le client qui l'a tant meurtrie. 

Le rythme du film est lent, très lent. Empreint de mélancolie, de plans élégants et tristes, de musique anachronique. Destiné sûrement à faire entrevoir l'univers de ces filles, fermé, désespéré. 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Derniers commentaires
Publicité