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Maelig
4 août 2013

Hans et Sophie

Ces derniers temps, je me suis intéressée à l'histoire d'Hans et de Sophie Scholl, membres du groupe de résistance allemande la Rose Blanche. Lors de leur exécution, ils n'avaient que 24 et 21 ans et étudiaient la médecine et la philosophie à l'université de Munich. Et la question qui vient à l'esprit, c'est : comment, ayant grandi sous la dictature de l'Allemagne nazie, ont ils pu en percevoir le danger et en venir à se rebeller ? Quelles sont les bases de leur engagement ?

Sophie_Scholl_timbre

Tous deux étaient les enfants de Robert et Magdalena Scholl. Robert Scholl possédait un cabinet d'expertise comptable et avait été aussi le maire de leur petite ville. La famille s'était installée à Ulm en 1932. Les Scholl ont eu six enfants : Inge, née en 1917, Hans, le 22 septembre 1918, Elisabeth, née en 1920, Sophie, née en 1921, Werner, en 1922, et Thilde, qui n'avait vécu qu'un an et s'était éteinte en 1926.

En 1933, la famille Scholl avait assisté à l'arrivée d'Hitler au pouvoir. Robert Scholl s'était montré extrêmement dubitatif envers le régime, et avait l'habitude de dire à ses enfants que le Fürher entraînerait le pays dans la ruine. Mais les enfants Scholl, eux, étaient séduits par les notions de patrie, de camaraderie, d'amour du pays. Ils étaient fascinés par les défilés au son des tambours. Hans et Sophie s'étaient engagés sans réticence dans les Jeunesses Hitlériennes, et très vite en avaient été promus animateurs. Leur père, qui avait pour habitude de les laisser faire leurs propres choix, n'avait rien dit.

Pourtant, très vite, Hans et Sophie avaient été troublés. On brûlait les livres, on empêchait Hans de chanter les chants norvégiens qu'il aimait sous prétexte que ce n'étaient pas des airs allemands, et surtout le chef de section avait empêché le groupe d'Hans de présenter un fanion fabriqués par ses propres soins, à la gloire du Fürher. Tout devait être uniforme. Hans avait giflé le chef et s'était retrouvé exclu.

 

Tous les enfants Scholl étaient également frappés par l'antisémitisme qui régnait en Allemagne. Sophie avait deux amies d'école juives et se demandait pourquoi elles ne pouvaient pas adhérer au BDM (la version féminine des Jeunesses Hitlériennes).

En 1937, Hans et son frère Werner s'étaient enrôlés au sein d'un autre groupe, catholique cette fois, la Jugendschaft. Le principe était le même que celui des Jeunesses Hitlériennes : l'apprentissage de la vie en communauté, en plein air, le sport, les discussions. Mais le groupe auquel Hans et Werner venaient d'adhérer prônait la liberté individuelle et recherchait les livres interdits.

Ils avaient été arrêtés et avaient dû affronter la prison pendant plusieurs semaines avant de finalement être libérés, au début 1938.

Sophie, quant à elle, s'était beaucoup investie dans son groupe du BDM. Jusqu'à ce qu'elle doute, elle aussi, lorsque ses frères avaient été emprisonnés. Pour voir jusqu'à quel point le Parti Nazi pouvait accorder de liberté, elle s'est rendue dans sa section du BDM avec une autre insigne que celle qu'elle était normalement tenue de porter. Pour cette insubordination, Sophie fut démise de son poste d'animatrice.

Le rôle de la culture fut également primordial dans leur engagement. Hans se passionnait pour Goethe et Schiller. En France, durant la guerre, il apprit la langue et traduisit André Gide et Pascal. Plus tard, sur le front russe, il ne jurera plus que par Tolstoï et Dovstoïevski. Durant leur année d'études communes, il fait découvrir ses auteurs favoris à sa soeur. Sophie, quant à elle, portait aux nues Saint Augustin, et bien que protestante, s'intéressait à la religion catholique au point de penser se convertir.

Leur aptitude au questionnement et à la réflexion philosophique les a certainement aidés à voir clair dans le jeu du nazisme.

images

En outre, ils n'ignoraient pas les persécutions. Leur mère s'entendait bien avec les religieuses d'un institut pour enfants handicapés, non loin d'Ulm. L'une d'entre elles avait confié, un soir, à Magdalena Scholl que des hommes en noir étaient venus chercher ses petits protégés pour les faire monter dans des camions militaires. Les enfants n'étaient jamais revenus, et elle savait qu'on les avait emmenés aux chambres à gaz. L'opération s'était régulièrement répétée et depuis, les enfants, informés de leur destination finale, montaient dans les camions en chantant.

Plus tard, Hans, mobilisé, combat en France en 1940, puis en Russie, en 1942. En Russie surtout, il est le témoin direct des horreurs du nazisme : charniers, population miséreuse, exécutions sommaires. Grâce à un camarade, Alexander Schmorell, qui maîtrise le russe, il lie connaissance avec la population et en apprend certains secrets. Quant à Sophie, les lettres de son fiancé, Fritz Hartnagel, soldat de métier, elle apprend aussi les souffrances de la vie du front, la douleur des soldats, et celle des habitants vaincus.

Après avoir pris connaissance des tracts du prêtre Clement Von Galen, qui s'insurgeait contre l'extermination des handicapés mentaux, Hans a probablement décidé de reprendre l'idée à son compte et de fonder le mouvement de la Rose Blanche, sûrement avec Will Graf, Alexander Schmorell et Christopher Probst. Sophie et Traute Lafrenz, à l'époque la petite amie de Hans, les auraient rapidement rejoints. Leur action s'interrompt en été 1942, alors que les garçons sont sur le front russe et que Sophie doit accomplir une nouvelle période de travail obligatoire en usine, mais reprend à l'automne.

Le petit groupe décide alors d'intensifier l'action de la Rose Blanche. Si les premiers tracts ressemblaient à des dissertations de philosophie, citant les grands auteurs, les deux derniers témoignent d'une plus grande maturité et d'une connaissance de la guerre. ("une époque viendra où la justice, pour être bien fondée, n'en sera pas moins implacable. Elle condamnera les indécis et les prudents comme des traîtres.")

Arrêté, Hans et Sophie se conduiront avec une grande dignité. Il est probable qu'ils aient réussi à ne dénoncer aucun de leurs amis. Au procès, ils exposeront leurs vues avec une grande clarté, et au moment de mourir, Hans criera "vive la liberté !" tandis que les gardiens diront de Sophie : "elle y est allée (à la guillotine) sans un battement de cil".

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