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Maelig
7 janvier 2014

Etre avocat

Une jeune diplômée du CAPA (certificat d’aptitude à la profession d’avocat) peine à s’insérer professionnellement. Elle avait une promesse d’embauche de la part d’un cabinet où elle avait été stagiaire, mais qui n’a pas été honorée. Depuis, elle a eu trois entretiens en 500 envois de candidatures. Dans l’un, elle s’insurge parce qu’on lui a proposé un 4/5 à 1800 euros par mois (après déduction des charges, il ne lui resterait que 900 €). Plus loin, elle invoquerait bien la discrimination, et pour elle-même et pour les autres : sa copine Nabilla rame et on lui demande 15 fois de quel pays elle vient…..

En réaction, des commentaires médisants expliquent :

-qu’elle aurait dû demander un écrit à son premier cabinet et ne peut s’en prendre qu’à elle-même

- que peut être elle n’est pas compétente, qu’elle sort peut être d’une mauvaise fac et est titulaire d’un Master II peu connu

Après avoir appris qu’elle est diplômée de PARIS I et a un Master II de droit international, les mauvaises langues ajoutent que « droit international, cela ne mène nulle part ».

Là aussi, j’ai envie de réagir 

-         la vie de jeune avocat est difficile, et il m’arrive de penser qu’à notre époque, ce n’est pas normal qu’une profession ait encore des conditions de travail si différentes que  celle des salariés. En outre, non seulement l’exercice professionnel est difficile, mais la période floue entre le CAPA et la prestation de serment l’est aussi. Beaucoup de jeunes gens commencent à travailler sans filet puis se font renvoyer de leur première collaboration, ce qui les empêche de prêter serment. Ou encore ne trouvent pas de collaboration. Les cabinets sont parfois féroces. On a certes choisi mais on ne s’attend pas forcément à cela. Alors, oui, je comprends cette jeune fille.

 

-         Elle aurait pu réclamer une promesse écrite d’embauche,  certes. Mais c’est difficile à réclamer pour un jeune qui vient de se faire embaucher. Et arriver dans la vie professionnelle en réclamant avant d’avoir donné n’est pas forcément convaincant. Mais elle aurait pu employer des moyens détournés, écrire à son futur recruteur pour le remercier et poser une question anodine, sur le début de sa prise de fonctions par exemple. La réponse aurait constitué une promesse écrite d’embauche. Mais surtout, je ne vois pas ce que cela aurait changé. Quelle en est la valeur contraignante ? Le risque d’une plainte auprès du bâtonnier ? Et que fera le bâtonnier ? Rien. Dans les grands barreaux, il a d’autres chats à fouetter. Et l’avocat pourra toujours indiquer qu’il souhaite se réorganiser, qu’il a eu des contraintes impromptues (d’ailleurs, c’est parfois vrai).

 

-         Trouver ou ne pas trouver un travail n’a rien à voir avec les compétences. D’ailleurs, ces compétences ne peuvent pas se voir sur un simple CV ni même pendant un entretien sans question technique. Ce qui est évalué, c’est la présentation, le soin apporté au CV, sa mise en valeur, et durant l’entretien, la capacité à bien présenter et à se vendre. Quelqu’un qui ignorerait complètement ces savoirs faire et savoir être sera recalé alors même qu’il peut être un génie dans son domaine.

 

-         Au surplus, parler de « facs poubelle » me semble excessif. Il y a de facs et des masters de meilleur niveau que d’autres, certes. Et des masters II plus sélectifs que d’autres, ce qui est souvent considéré comme allant de pair avec le niveau.. Il y a aussi des étudiants meilleurs que d’autres. Mais à l’intérieur des masters de niveau moyen et peu sélectifs, il y a d’excellents étudiants. A l’inverse, il y a des étudiants très moyens dans des Masters plus sélectifs (parce qu’ils ont bossé dur mais qu’ils n’ont pas l’esprit juridique, ou par chance). Il y a aussi des Masters peu sélectifs parce qu’ils ne se présentent pas bien (un Master II recherche attire moins qu’un Master II professionnel) et donc est peu recherché par les étudiants. Mais pour autant, ils sont d’excellent niveau, et il suffit qu’ils se pomponnent pour devenir plus attirants et donc plus sélectifs. De plus, les recruteurs ne sont pas tous au courant de la réputation de la fac : il suffit de savoir se vendre. D’autres s’en fichent parce qu’au-delà de la fac, du diplôme, il y a la personne et ses compétences propres. 

-         Quoi d’autre ? « le droit international ne mène nulle part ». Mais qui force cette jeune fille à exercer en droit international. Je connais bon nombre d’avocats diplômés en droit civil qui exercent en droit du travail, d’autres diplômés en droit de la santé mais qui exercent une activité généraliste. Il faut être un peu ouvert….  L’expérience compte autant que le diplôme, on peut exercer dans trois/ quatre domaines (pas dans l’immensité du droit non plus, il ne faut pas exagérer), et un diplôme ne fige pas à vie.

Par contre, au vu de ma « grande » expérience, je pourrai donner quelques conseils à cette jeune fille.

-         Refuser une collaboration 4/5 à 1800 € ? J’ignore si l’idée est bonne. Certes, moi aussi, j’étais outrée de voir proposer à une amie une collaboration à temps complet pour 2 000 €. Mais finalement, j’ai découvert que pour les barreaux périphériques, c’était la norme et qu’il était rare de se voir proposer davantage pour débuter. A Paris, je crois savoir que ces tarifs sont interdits mais parfois pratiqués malgré tout. Avocat, c’est une profession où il faut beaucoup de souplesse, de cœur à l’ouvrage. Et accepter les compromis, même financiers. 1800 €, c’est mieux que rien, et à côté, elle peut faire des permanences pénales, des gardes à vue, traiter des dossiers d’AJ, qui arrondissent les fins de mois. Et surtout, c’est un pied à l’étrier, qui va lui donner une expérience lui ouvrant des portes.Par contre, là où il faut se faire respecter, c'est sur des points essentiels :

*le respect de la clientèle personnelle (c'est un droit pour un avocat et cela ne doit pas poser de difficulté pour un cabinet. Or, bien souvent, ce n'est pas le cas)

*les horaires (si on se laisse prendre au jeu, on peut y passer des heures, finir à 22 heures pour être payée 2 000 € sans clientèle personnelle - il faut gérer les priorités et partir ensuite).

-         Je ne sais pas quels types de cabinet vise cette jeune fille, mais elle aurait peut être intérêt à viser des plus petits cabinets, plus souples, plus accessibles peut être. A ne pas vouloir rester dans un domaine particulier, à être souple, à aller vers le judiciaire. Il faut faire des compromis mais on s’en sort.Si elle refuse les concessions, autant viser directement l'entreprise....

 

Le lien

http://rue89.nouvelobs.com/2013/03/28/jeune-avocate-determinee-cherche-collaboration-droit-affaires-240965

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Commentaires
A
Très instructif. Bon courage à vous
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C
C'est tout à fait un article très utile et complète pour mieux comprendre sur les affaires concernant un avocat!
Répondre
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